L’océan Indien, nouveau centre du monde ?

Thomas Marrier, diplômé d’un Master 1 Géopolitique et Relations Internationales à l’Institut Catholique de Paris, essaie de comprendre en quoi l’océan Indien est crucial dans la géopolitique mondiale.

Selon lui, l’océan Indien est la clef de voûte dans le rééquilibrage des puissances. Troisième plus grand océan du monde, il est au coeur de bons nombres d’enjeux. Ce territoire maritime est la plaque tournante permettant la projection vers l’Asie, l’Europe, l’Afrique. Il est le centre du marché pétrolier mondial et abrite la plus grande autoroute maritime commerciale. Aussi, ses littoraux sont bordés par de nombreux pays dont les conflits suscitent la crainte de la communauté régionale d’abord, de la communauté internationale ensuite.

EXTRAITS

Les puissances telles que l’Inde, la Chine, les Etats-Unis ou la France, cherchent à protéger leurs intérêts commerciaux et à pérenniser la stabilité sur ce territoire. L’Inde, par exemple, est progressivement devenue un élément incontournable des relations internationales. Elle cherche notamment à contrer la Chine, qui s’investit dans l’océan Indien.
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L’économie et la sécurité énergétique de la Chine dépendent indéniablement des routes maritimes de l’océan Indien passant par le principal point de passage : le détroit de Malacca, par lequel transitent près de 80% des imports d’hydrocarbures chinois. Cette dépendance suscite la crispation et donc la réaction de la Chine qui décide de gonfler ses forces armées et son poids économique dans la région. Elle peut ainsi contrer l’Inde qui, elle aussi, est en pleine expansion dans la région
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Universitaires et journalistes, entre autres, parlent d’une volonté de Pékin de dominer la région de l’océan Indien. Certains évoquent plutôt une ambition du gouvernement chinois de continuer à élargir le rayon d’intérêts commerciaux et de sécuriser ses lignes maritimes contre toute perturbation.

Même si la présence chinoise dans cet océan peut renforcer son influence, dans le même temps, lors de tensions ou conflits, cela expose et fragilise ses infrastructures.

Puisque l’économie chinoise repose essentiellement sur les routes maritimes de l’océan Indien, il paraît logique que le gouvernement cherche à protéger ce lieu de transit, et donc ses intérêts. Entre la piraterie autour du golfe d’Aden par exemple, et de potentielles perturbations commerciales menées par l’Inde ou les Etats-Unis, les dirigeants chinois ont de quoi s’inquiéter.

Ces efforts mis en place par la Chine sont encore embryonnaires mais leur objectif est limpide aux yeux de la communauté internationale : afin de maintenir et soutenir ses forces militaires dans la région, il lui est indispensable d’avoir des points d’accroches terrestres. La base de Djibouti est, quoique les dirigeants chinois disent, un moyen de projeter sa puissance.
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(…) la puissance maritime de la Chine tend à égaler sa puissance économique. Malgré une présence limitée dans le détroit de Malacca et le golfe du Bengale à ce jour, ses investissements à Djibouti, à Gwadar et dans le littoral du nord de l’océan Indien lui permettront de sécuriser son influence maritime régionale. Néanmoins, malgré de lourds investissements dans l’expansion et la modernisation de sa puissance navale, celle-ci tend à devenir opérationnelle lentement.
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En d’autres termes, l’avenir de l’océan Indien est incertain. (…) Dans le même temps, il est aussi clair que les Etats-Unis ne quitteront pas la région et garderont une place significative dans l’échiquier régional. La Chine, elle, tend à croître de la même manière sur le plan maritime que sur le plan économique. Sa croissance et son omniprésence dans la région de l’océan Indien seront équivalentes à celles dans l’économie mondiale.

Même dans le cas de figure où la Chine restreindrait ses positions au golfe du Bengale et dans le détroit de Malacca, ses investissements au port de Gwadar complètent son projet de collier de perles et renforcent son assise aux alentours du golfe d’Oman et donc sur un autre point stratégique de l’océan Indien. Aussi, la Chine est-elle un acteur clef dans la lutte contre la piraterie dans le golfe d’Aden depuis maintenant une dizaine d’années.