Le Point se demande « à quoi joue la Chine? »

Alors que la Chine engage son déconfinement après plus de deux mois de quarantaine, les Occidentaux se demandent «A quoi jour la Chine?».

Dans un dossier de 15 pages, publié le 30 avril 2020, le magazine Le Point explique comment Xi Jinping «veut tirer profit de ce bouleversement mondial» ? Dans un premier temps, il est question de la nouvelle diplomatie chinoise.

La quarantaine en Chine a débuté le 23 janvier 2020, une décision jugée brutale et radicale par les Occidentaux pour endiguer l’épidémie de nouveau coronavirus, Covid-19. Tandis que l’économie chinoise s’est arrêté entraînant avec elle une partie de l’économie mondiale, l’objectif annoncé de Xi Jinping est «la vie et la santé de la population doivent être protégées à tout prix».

Une fois l’épidémie maîtrisée, l’activité économique de l’Empire du milieu a reprit progressivement, mais en parallèle, le pays doit faire face à de vives critiques – puis accusations – de la part de certains pays occidentaux (Etats-Unis, Royaume-Uni, France, Allemagne) : «Nous constatons d’après les rapports des services de renseignement, qu’il y a eu de mauvaises choses en Chine. Il faut se confronter à cela. La Chine n’a pas intentionnellement fabriqué ce virus mais ce virus est d’une manière sortie de là-bas (Wuhan). Le virus est apparu à Wuhan mais il se peut que cet endroit ne soit pas un laboratoire. Il ne fallait pas autoriser que ce virus sorte de là-bas et se propage dans le monde entier», a déclaré Donald Trump, dans l’une de ces déclarations à charge contre la Chine sur sa gestion de la pandémie.

La vindicte contre les autorités chinoises s’est alors répandue dans plusieurs pays du monde. Mais pour Luc de Barochez, « Le virus n’est pas chinois, il est communiste ».

Ce dernier explique dans son éditorial que «nonobstant, il est bel et bien un virus communiste. Autant il est injuste de désigner à la vindicte publique des personnes qui se font les relais involontaires de la maladie, autant il est utile d’établir les responsabilités politiques dans la naissance puis la propagation d’une épidémie qui a fait plus de 200 000 morts (30.04.2020, ndb) et qui a mis à terre l’économie mondiale».

D’ailleurs, «fidèles aux principes de Montesquieu («Là où il y a des moeurs douces, il y a du commerces, et là où il y a du commerce, il y a des moeurs douces»), les Occidentaux ont longtemps cru que la mondialisation économique allait permettre au régime chinois de se libéraliser et de se démocratiser. Quelle erreur!».

Un avis partagé par le sinologue Philippe Barret, qui explique à Le Point, en mars 2018, que

« l’erreur la plus répandue en France (et en Occident, ndb) à propos de la Chine est double. D’une part l’ignorance et l’absence de tout effort pour apprendre à connaître ses 3 500 ans de civilisation. D’autre part l’idée qu’un jour la Chine deviendra un pays comme les pays occidentaux. Déjà aux XVIIe et XVIIIe siècles, les jésuites, qui étaient pourtant fort avisés, croyaient qu’ils parviendraient un jour à faire de la Chine un pays chrétien. Ils se sont trompés. C’est la même erreur que nous commettons aujourd’hui en laissant croire que la Chine deviendra un jour une démocratie adepte des droits de l’homme. Cette perspective n’est pas réaliste ».

Raison pour laquelle, Luc de Barochez, «sous la férule de Xi, le Parti Communiste Chinoisa au contraire effectué un grand bond en arrière, revenant sur les réformes qui avaient été consenties précédemment. Sa gestion maladroite de la pandémie pose une question clé : à partir de quel moment les institutions politiques internes d’un pays représentent-elles une menace pour le reste du monde?»

Une question qui demande une connaissance particulière des arcanes de la politique chinoise, nous donne quelque clé Jérémy André dans son enquête. Ce dernier fustige les réponses écrites faites par l’ambassade de Chine à Paris, site aux déclarations d’un part d’Emmanuel Macron (Lire ici), ou encore les félicitations des parlementaires français après la réélection de Tsai Ing-wen, dirigeante de Taïwan et membre du Parti Démocrate et Progressiste. Un affront pour Lu Shaye, l’ambassadeur, qui a laissé une tribune sur son site dénonçant le traitement des personnes âgées par le gouvernement français.

D’ailleurs, dans ce cas «la règle du ‘pas de vague’ qui domine d’ordinaire la diplomatie franco-chinoise» a été remise en question, avec la convocation de Lu Shaye au Quai d’Orsay. Outre ces exemples, le journaliste met en avant les fake-news des services chinois, ayant adopté les méthodes de désinformation du Kremlin. François Godement, conseiller pour l’Asie à l’Institut Montaigne, explique qu’avec le coronavirus, «on s’aperçoit que les chinois sont passés aux méthodes russes», avec une «diplomatie du clash».

Celle-ci représentée par Zhao Lijian, porte-parole du ministère des affaires étrangères, qui «a défrayé la chronique en mars en reprenant à son compte la théorie du complot selon laquelle le virus proviendrait des Etats-Unis, et non de Chine». Autre exemple, l’ambassadeur de Chine en Suède, Gui Congyou, a été convoqué 40 fois en deux ans sur la question des Droits de l’homme.

Une nouvelle garde rouge de la diplomatie s’est mise en place, appelée les «guerriers-loups» Zhan lang. Elle est composée de diplomate, d’universitaire, de journaliste, «qui ont de nos jours un discours beaucoup plus tranché et nationaliste», d’après Zhao Tong, chercheur associé à la Fondation Carnegie pour la paix internationale. Leurs intérêts à tous est de «protéger les intérêts de la Chine bien au-delà de ses frontières».

Cependant ces nouveaux Zhan Lang pourraient porter atteinte aux intérêts de l’Empire du milieu. En effet, «Il y a des désaccords au sein du ministère des affaires étrangères. Certains ne pensent pas que ces comportements agressifs servent les intérêts de la Chine. Ils ont grandement déservi l’image internationale de la Chine. Et provoqué des représailles de dirigeants étrangers. C’est à cause d’eux que le président Trump a appelé le Covid-19 le virus chinois», a estimé Zhao Tong.

Pour Jean-Pierre Cabestan, professeur à l’université baptiste de Hong Kong, les dérapages diplomatiques «montrent que la puissance chinoise est encore ‘extrêmement infantile’ sur la scène internationale».

La diplomatie des guerriers-loups est «malhabile», selon Jean-Pierre Ripert, ambassadeur de France en Chine jusqu’en 2019, car ils réagissent «au quart de tour à la moindre incartade des diplomates étrangers en poste à Pékin». Pour ce dernier, la Chine manque d’une tradition de diplomatie de négociation. Ainsi, les ambassadeurs chinois ont la mission de «défendre la Chine» et non de «négocier ou de rendre la Chine sympathique».



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